Où peut-on entendre un concert de thérémin, voir la dernière création du chorégraphe Robert Lepage ou retrouver une installation interactive de Studio Azzuro? C’est à Créteil, au Festival Exit. L’occasion rêvée de faire le point avec Richard Castelli, le conseiller artistique du Festival.

Depuis 8 ans, le Festival Exit de Créteil, une seule petite fois par an, permet à un public large et diversifié (pour ce type d’événement…) de présenter des artistes internationaux comme le collectif japonais Dumb Type (danse, visuels, projections) mais aussi français comme Pierrick Sorrin. Véritable découvreur de talents dans le domaine des arts numériques et du spectacle, le festival essaie de donner une dimension populaire aux nouveaux médias en alliant une programmation pointue et qualitative à des oeuvres plus abordables pour le public, plus participatives et ludiques. Richard Castelli, producteur de spectacles de son état, est celui qui donne le ton de la programmation. Rencontre.

Comment êtes-vous devenu producteur ?

Richard Castelli : J’ai commencé à travailler avec un vrai ensemble professionnel à 19 ans, on était en 1980. Avec celui qui a été et reste toujours ma vielle ” maîtresse ” : Art Zoyd, qui est un ensemble français de musique électro-acoustique. Art Zoyd à ce moment-là tournait dans le monde entier. Au moment de la création d’un festival à Maubeuge (ville dont Art Zoyd est originaire), on m’a demandé de m’occuper de sa programmation internationale. La première année, la programmation a été un peu atypique, car effectivement, je ne venais pas du sérail mais je me baladais dans le monde entier. J’essayais de trouver ce qui me semblait intéressant.
Après Jean-Michel Bruyère, le premier qui soit arrivé a été le chorégraphe québécois Robert Lepage, puis le collectif japonais Dumb Type, ensuite Granular Synthesis… Je suis devenu leur producteur pour le monde entier à quelques exceptions près.

Comment avez-vous découvert Dumb Type ?

Richard Castelli : J’avais vu un spectacle qu’ils avaient fait avec une chorégraphe danoise, pas spécialement passionnant, mais je les ai suivis et on s’est rencontrés, je voulais faire venir la compagnie à Créteil. Je leur ai demandé de présenter deux de leurs créations en leur expliquant que la France était en retard en la matière et qu’il serait bon de ne pas montrer uniquement SN mais aussi PH, qui est une oeuvre majeure. Ceci afin de présenter un vrai événement signé Dumb Type en France. Leur tournée européenne avait été très mal organisée et au pied levé, j’ai dû leur donner un coup de main. Par la suite, ils m’ont demandé de travailler avec eux en tant que producteur.

Quelle était l’idée de départ du festival de Maubeuge ?

Richard Castelli : Maubeuge est une ville trans-frontalière et on se rendait bien compte qu’il y avait très peu de spectacles internationaux présentés en France. On le voyait d’autant mieux que lors de nos voyages à l’étranger, on assistait à pas mal de spectacles qui n’arrivaient jamais en France alors qu’il était possible de les voir dans beaucoup d’autres pays. C’est pourquoi avec Didier Fusiller, on a décidé de lancer ce festival international.

Le festival étant très ciblé spectacle vivant, comment la partie exposition s’est-elle imposée ?

Richard Castelli : On venait de faire le premier festival commun Visa/Exit, et on s’était aperçu qu’on avait pratiquement programmé tous les grands noms, Bob Wilson, Robert Lepage… Qu’est-ce qu’on pourrait faire de plus ? Dans le même temps, l’émergence des arts technologiques s’est accentuée, et je me suis dit que cela pourrait apporter un nouvel espace, un noveau vocabulaire au monde du théâtre. Réciproquement, il me semblait que les nouveaux médias avaient besoin des gens du spectacle alors qu’ils sont traditionnellement associés au monde de l’image dont les artistes proviennent surtout du cinéma ou de la vidéo.
Le monde de l’image n’est pas naturellement en phase avec celui des nouveaux médias. Pourquoi? Parce qu’une des données importantes des nouveaux médias, c’est cette capacité à réagir en temps réel, alors qu’au cinéma ou en vidéo, c’est du montage, du temps édité… On sentait qu’il y avait une relation beaucoup plus charnelle qui pouvait s’instaurer entre le monde du spectacle et celui des nouveaux médias.

Pourriez-vous nous présenter l’exposition d’Exit 2001. A commencer par les « Chambres »…

Richard Castelli : Les « Chambres » présentent des artistes qui ont introduit des éléments de dramaturgie dans leur oeuvre. Avec Didier Fusiller, directeur du Festival Exit, on essaye de détecter des mouvements, et quand on s’aperçoit qu’il peut y avoir des lignes directrices, on détermine une thématique a posteriori. Il est apparu qu’il y avait de plus en plus d’artistes qui intégraient la dramaturgie dans leurs oeuvres d’art plastique. Parallèlement, il y avait une tendance assez affirmée vers l’œuvre conceptuelle, mais qui a généré parfois des oeuvres conceptuelles paresseuses ! A ces artistes, j’aurais envie de dire : faites comme Borgès, prenez un papier et écrivez votre concept ! Ce n’est pas toujours utile de le réaliser… De ce fait, on trouve pas mal d’artistes qui veulent aller plus loin, et qui intègrent pour cela la dramaturgie.
C’est à partir de la pièce d’Heinz Kasper que s’est cristallisé le concept de « Chambre ». On entre dans une pièce, c’est assez ” ambient ” et puis il y a un frémissement, des changements de couleurs, et on entend un discours totalitaire. La chambre vibre au son du discours, et là, on a un drame et on est retenu. Cette installation requiert tous les éléments plastiques mais le drame ajoute une nouvelle dimension.

Que pensez vous de la production française dans le domaine du spectacle et des nouveaux médias ?

Richard Castelli : Je ne connais pas tout, mais quand je reçois les dossiers, j’ai rarement envie d’y aller… C’est souvent un étalage de fausse culture et de prétention. Il y a aussi des gens qui sont fondamentalement des escrocs. Ceci dit, ce n’est pas un phénomène spécifiquement français !

Pour Interférences, à Belfort, vous faisiez partie du jury qui devait remettre des prix aux meilleures installations, vidéos et spectacles. Pourquoi en définitive n’y a-t-il pas eu de prix remis pour les spectacles ?

Richard Castelli : Le problème à Belfort, c’est qu’il n’y a pas eu de vraie présélection. On a donc vu un peu trop de spectacles prétentieux, et les autres étaient ” sympas “… Mais on ne remet pas un prix à quelque chose de juste ” sympa “…

Interview Isabelle Arvers

Pour consulter la programmation du festival Exit :

http://www.gizmoland.fr/hits/affiches/hitsaffichesniv2.asp?id=35