Interview de n°6 – 24/08/00 by Isabelle Arvers

Quand as-tu commencé le graffiti ?

J’ai fait mon premier graff en 1986, avant je faisais des maquettes mais je me suis décidé à peindre sur les murs en regardant l’émission de Sidney ou des films comme Beatstreet, un film où on voyait des fresques ce qui est assez traumatisant pour l’adolescent que j’étais…Au départ je peignais seul ou avec mon frère Laurent, je ne connaissais personne dans le milieu car à l’époque, j’habitais dans le sud et là-bas, le graffiti n’était pas très développé.

Quand mes parents sont partis à Paris, je les ai suivis et c’est là que j’ai commencé à rencontrer d’autres graffers. C’est en 89 que j’ai commencé à peindre avec les PCP, on a peint ensemble pendant 5 ans. Eux continuent aujourd’hui, CAP en particulier, moi j’ai vraiment ralenti le rythme et ne fais plus qu’un graff tous les deux ans.

Quelle était ta spécialité dans le graff ?

Je faisais de tout, mais principalement des personnages, inspirés par la BD, la peinture – à une époque j’ai été très marqué par la renaissance italienne – et toutes les expos que je voyais, le cinéma gore italien (Mario Brava) ou américain…Tout ce qu’il y avait autour de moi en fait…

Comment es-tu passé du graff à l’animation ?

Je me suis arrêté lentement de peindre, ça a correspondu à ma découverte de l’ordinateur. C’était en 92/93. J’ai utilisé la palette graphique et le résultat ressemblait beaucoup à ce que je faisais en graffiti, alors je me suis acheté un ordinateur pour mes dessins et c’est là que j’ai découvert qu’au delà de la palette graphique, il y avait plein d’autres outils à explorer. Et quand un truc te passionne, tu dois t’y consacrer à fond et tu n’as plus le temps de tout faire, du coup je me suis plongé complètement dans les ordinateurs.

L’outil a changé, c’est assurément une autre approche mais ce que je fais est en continuité avec le graffiti. C’est aussi une autre manière de diffuser mon travail. Un mur, c’est très bien pour être vu quand tu n’as pas vraiment d’autres manières de t’exprimer, l’ordinateur en est une autre.

En 91, je suis rentré aux Gobelins pour une formation de trois ans au cinéma d’animation, même si à ce moment là je faisais encore beaucoup de graffs. J’ai eu mon premier ordi en 97 et pendant un an j’ai expérimenté plein de choses, j’ai fait un gros travail de recherches graphiques chez moi et n’ai commencé à vivre de mon travail qu’à partir de 98/99. Le temps de maîtriser « la bestiole» et aussi parce que je n’avais pas envie de travailler au sein d’une société. Mes premiers boulots ont été des pochettes de disques, j’ai pas mal travaillé avec Versatile et aussi avec des artistes comme Pepe Bradock, Ark…

J’ai commencé à travailler pour le cinéma d’animation avec la série des Lascars, on a travaillé avec une grosse équipe de prod’ mais on était cinq auteurs, avec les scénaristes, et mon frère comme réalisateur. On pensait à ce projet depuis 94 et puis un jour, un producteur nous a suivis. Entre la conception du pilote et la réalisation de la série, il s’est passé un an et demi et la série a été fabriquée chez Bibo films, société de production et production exécutive dans le domaine de l’animation. Sans être salarié de la société, j’ai continué à aller y travailler, pour poursuivre mes recherches, car l’équipe est très cool, énergique et c’est vraiment un très bon pôle de production. C’est en faisant ces recherches que j’ai eu l’idée de Pierre le cosmonaute, c’est un film d’animation assez trash, mélange de 2D, 3D. Je suis l’auteur du scénario et réalisateur, mon frère Laurent Nicolas a dessiné les personnages et on s’est entourés d’une équipe de copains, les meilleurs pour réaliser le pilote. Pierre et le cosmonaute est une production Bibo Films.

En ce moment, je travaille aussi sur des petits shorts d’animation avec le musicien Pepe Bradock, mais ce sont des trucs perso qui n’ont pas vocation à être diffusés. C’est dans la continuité de mon travail de recherche, on essaye de capter un « esprit » en 4 secondes, que la musique et l’image créent quelque chose à elles seules, ce qui ne serait peut-être pas le cas si prises séparément.

Œuvres Gizmoland ?

Ce sont des exemples de mes recherches, certaines sont des esquisses, mais il y a des choses aussi plus abouties comme les boucles. Ce qui m’intéresse dans la boucle, c’est le côté définitif d’une séquence, le non-découpage, quelque chose pouvant fonctionner à l’infini, comme les boucles dans la musique. C’est une façon d’assoire ces petits trucs d’animation, une manière de les finir, une boucle est comme une peinture terminée, alors qu’une animation semble toujours être l’extrait de quelque chose, mais pas une oeuvre en soi.

D’ailleurs, je voulais créer un site avec toutes ces recherches, qui soit un lieu d’échange et où les gens qui font la même chose que moi puissent venir, proposer leurs recherches et ensuite faire des échanges… mais je n’ai pas eu le temps de développer ce site.

Est-ce qu’il est important pour toi de raconter des histoires ?

Ce n’est pas la seule voie à explorer, une recherche graphique peut être aussi intéressante. Raconter des histoires n’est pas pour moi un but en soi, même si c’est ce que j’ai fait pour Pierre le cosmonaute. Ca m’est venu un peu tard car ça relève plus du cinéma que du graphisme, et du coup le graphisme ne doit pas prendre le dessus. Pour moi, l’important c’est de créer et j’estime que créer une image c’est déjà faire passer un message, une idée, une vision de quelque chose.

Pourquoi as-tu choisi Gizmoland ?

Parce que on s’est rencontrés dans la rue ! ! ! et aussi parce que ça correspondait un peu à mon projet personnel de site. J’ai donc voulu tester comment ça marcherait, car j’ai trouvé la démarche intéressante, une bonne occasion de diffuser mon travail en ligne. Je reste d’ailleurs plutôt curieux de ce que Gizmoland peut devenir et je trouve que c’est un bon outil pour permettre aux gens de voir des choses qu’ils ne peuvent pas trouver à la télé, au cinéma ou ailleurs et qu’ensuite ils puissent aussi se les approprier : c’est une très bonne base de données d’images et d’idées.

Participer au concours ?

J’espère voir des choses qui vont m’étonner ou des choses que je ne pourrais pas voir ailleurs, il est assez rare d’avoir l’occasion de voir le boulot des autres.