IA : Les débuts des Virtualistes ?


Pascal Schmidt: L’association “ Les Virtualistes ” a été créée officiellement en 90, mais dès 1976 j’ai commencé à toucher à l’informatique avec un Pet Commodore. Ensuite, j’ai travaillé la vidéo et suis rentré comme artiste chez Thomson pour développer des palettes graphiques dont la palette GRACE qui a eu beaucoup de succès.
Christine Tréguier : moi j’étais journaliste, je m’intéressais à ces questions en allant dans différents festivals, quand on s’est connus avec Pascal, on a commencé à s’inviter mutuellement dans des salons professionnels dont le Siggraph et puis on a créé les Virtualistes. Notre première “ action ” date de 1989 avec the New Year’s Eve Telebration, performance de visiophonie interactive organisée entre plusieurs pays grâce au système de bridge avec le Café Electronique de Santa Monica (avec entre autres artistes Kit Galloway ). Nous on avait préparé des vidéo qu’on envoyait image par image ainsi que du son, on avait tout prévu au niveau de la technique mais rien pour manger avec nos amis qui étaient passés si ce n’est des oranges et du champagne…vers une heure on est allés se coucher, d’autres artistes d’Hawai, d’Australie, ou d’Angleterre, ont pris le relais. A 7 heures du matin, on se levait pour reprendre la performance : notre meilleur 1er janvier ! ! !
Pascal Schmidt : Après on en a fait plein des expériences de visiophonie, moins maintenant…

IA : je me souviens pour ma part de ma première performance interactive de visiophonie, c’était en 1993 à Imagina et ça s’appelait l’Electronic Peep Show, j’avais débarqué dans une chambre d’hôtel sans savoir où j’arrivais et j’avais participé…il s’agissait de démontrer que la technologie n’était si déshumanisante que ça…sans le savoir, je venais de rencontrer les Virtualistes!

Electronic Peep Show – images de la performance – avec Léon Mercadet, Pascal Schmitt et Isabelle à Monaco et Freddy Gagnu à Paris.

Je relate d’ailleurs cette expérience dans mon mémoire de Sciences Politiques “La virtualité du numérique comme mode d’appréhension du réel” écrit en 1995: “En marge des conférences proposées à Imagina, les Virtualistes, artistes et activistes, dans les premiers protagonistes de la visioconférence en France, conviaient les journalistes au Lœws Hotel pour une expérience d’un nouveau type. Une visioconférence – à images fixes – nommée peep show interactif. Le but était d’envoyer en temps réel des images de son corps à une personne située, elle, à Paris. La condition sine qua non était qu’en retour, cette personne envoye elle aussi une image d’elle-même. Cela, parce que l’on reproche toujours aux images numérisées de trop s’éloigner du corps. S’échangeaient ainsi, un “bout” de torse contre un “bout” de dos, un nombril contre un sein…”

IA : Quand et pourquoi avez vous créé l’installation Article 30 ?

Playtime Retrogaming exhibit by siabelle arvers villette numérique 2002

Christine Tréguier : En 1999 en réaction à la Guerre en Bosnie et au Kosovo, principalement contre l’ingérence humanitaire.

IA : Par rapport à ce qui s’est passé en Somalie ?

CT : Non, on avait fait une performance en visiophonie juste avant sur la Somalie pour le Siggraph à Chicago, qui avait d’ailleurs été écourtée car Canal + était présent au Siggraph et avait refusé de filmer la performance préférant à ce moment là prendre des images d’une passionnante expérience de palette graphique créant une banane. On a alors décidé d’arrêter la performance, en disant à Kit qu’on s’en reparlerait plus tard…
Pour Article 30, on a repris quelques images de cette performance pour le labyrinthe. Le concept d’ingérence humanitaire à l’origine de cette installation de Réalité Virtuelle a ensuite été modifié selon les lieux et les pays où Article 30 a été présentée. Par exemple, pour une exposition au Danemark qui se déroulait juste après le 11 septembre, on avait retravaillé l’installation en fonction. Pour la Villette, Article 30 dénonce cette fois le terrorisme contre le terrorisme qui s’appuie sur la défense de la démocratie et les Nations Unies pour justifier une soi disant lutte contre le terrorisme et justifie toutes les guerres.

IA : être à la Villette pour vous, qu’est ce que ça vous inspire ?
CT : c’est un endroit comme un autre même si on est très contents pour une fois que des organisateurs amis aient eu la bonne idée de nous inviter !

IA : Article 30 dans une salle de jeux, qu’est ce que vous en pensez ?
CT : c’est parfait une salle de jeux ! ! Ceci dit, je suis contre la tendance actuelle qui répète à l’envie que notre monde est devenu un jeu vidéo, au contraire il se passe des choses extrêmement graves et sérieuses et ce n’est un jeu que pour les politiques, l’économie et les médias. Ce sont les médias qui transforment aujourd’hui le monde en jeu, mais c’est très sérieux au contraire. Il ne faut pas tomber dans des analyses simplistes…
Par contre, avoir la possibilité de faire passer des messages par le jeu (Article 30 est un jeu détourné) met l’accent sur la manière dont on en parle…
CT et PS : On fait du “ MANIFESTIF ” ! C’est du contenu politique qui passe par le biais d’un jeu détourné, ce qui souligne la profonde contradiction de notre société : l’opposition entre la gravité de la situation planétaire et le jeu qu’en font les politiques, les médias et l’économie.

IA : le bilan après presque trente ans de “ numérique ” ?

PS : on s’est toujours amusés à être en avance, on a fait du net avant que les autres s’y intéressent, puis du virtuel…
CT : Déçus, on est déçus non pas par la technologie, elle n’est jamais mauvaise, c’est l’usage qu’on en fait qui peut être néfaste. On est déçus par le milieu et la difficulté de faire des choses ici, d’ailleurs on s’est toujours auto-produits… Moi, maintenant j’ai l’intention de faire pousser des radis et des champignons !
PS : Aujourd’hui on est propriétaires récoltant en Champagne Ardenne et on lance la Cuvée Virtualistes ! On fait du pinard et il est pas virtuel ! ! !

Les Virtualistes 2002/Interview Isabelle Arvers…très heureuse de les accueillir dans la salle de jeux…