En 2015, le Carré d’art à Nîmes ouvrira un espace dédié aux jeux vidéo. C’est dans ce cadre que j’ai été conviée par Jean Pascal Marron, responsable du numérique pour la Ville à rencontrer puis à accompagner Carré d’art dans cette aventure. En 2013, Carré d’art a accueilli l’exposition Arcade, ainsi qu’une exposition didactique sur l’histoire des jeux vidéo. En 2014, nous avons décidé de commencer par un plan de formation, suivi de réunions de préparation en interne, puis avec le public, afin d’imaginer ensemble l’événement dédié aux jeux vidéo à venir en décembre prochain, ainsi que des animations liées à cet événement. L’objectif étant d’impliquer dès le début de l’aventure les personnes qui le désirent en interne, mais aussi d’en discuter avec le public du Carré d’art et d’être à l’écoute de leurs attentes. Ceci afin de préparer au mieux l’ouverture prochaine de cet espace, situé au cœur de la bibliothèque/médiathèque, proche de l’espace bandes dessinées et séries.

C’est ainsi qu’en mai dernier, Emmanuel Mayoud – médiateur numérique – et moi-même sommes intervenus sur une formation de deux jours visant à l’intégration du jeu vidéo en bibliothèque/médiathèque. Avec près de 12 participants issus du Carré d’art ou du réseau de bibliothèques/médiathèques de Nîmes, nous avons débuté cette formation par un Game Camp. Pendant près de trois heures, nous avons découvert et joué à des jeux sur différentes consoles et machines : Journey, Flower, (1 PS3) Just Dance, Mario Kart, (1 Wii) Child of Eden, Red Dead Redemption, Baïonetta, (1 XBOX) Proteus, Dear Esther, Limbo, The Bridge, Skyrim, GTA , (3 PC) Monument Valley, Year Walk, (1 Ipad)… L’idée était de montrer en un temps assez restreint la diversité de la production vidéo ludique, d’inciter à jouer les non joueurs et de démontrer par l’expérience que le jeu est un produit culturel qui a parfaitement sa place en bibliothèque. Loin d’être exhaustive, cette sélection a permis à chacun de découvrir des jeux, de prendre du plaisir à y jouer, sans trop se sentir contraints par la question de la maniabilité pour ceux qui avaient peu joué auparavant, puisque nous avons expliqué que pour les jeux qui se jouent avec une manette, la plupart des contrôles sont expliqués au fur et à mesure du jeu et que le principe d’erreur fait partie intégrante de l’apprentissage d’un jeu.

Ensuite, nous avons discuté tous ensemble de ce que nous venions d’expérimenter avec le système du « je prends » et « je laisse » afin que chacun puisse s’exprimer et nous faire un retour sur le vécu du matin. Quelques idées très intéressantes ont émergé, comme par exemple le fait de ne pas cantonner l’espace jeu à un espace déterminé, mais de pouvoir disséminer quelques écrans/consoles dans la médiathèque avec des jeux « planants » ou « qui détendent » pour proposer des pauses à ceux qui sont venus pour travailler. Une autre personne a aussi évoqué l’importance pour des parents de s’intéresser aux jeux auxquels jouent leurs enfants, afin de pouvoir créer un dialogue et une compréhension mutuelle autour de ce sujet. Une maman qui a d’ailleurs organisé avec son fils une soirée retrogaming à la maison, après avoir ressorti ordinateurs et consoles du grenier et les avoir bien nettoyés ! On a beaucoup évoqué l’importance de la médiation vis-à-vis des adultes et des séniors, point sur lequel nous sommes ensuite revenus assez souvent pendant la formation, car je pense que le jeu est un excellent moyen de travailler sur l’inter générationnel, mais qu’il est aussi aujourd’hui primordial pour des parents et des grands-parents d’être à même de comprendre ce bien culturel à part entière et d’en accompagner la consommation de leurs enfants et petits-enfants. Et bien entendu de découvrir des jeux qui leur plaisent au delà de l’image qu’en donnent les médias.

La formation a ensuite continué sur l’appréhension du jeu vidéo comme bien culturel et sur les aspects pratiques de l’intégration du jeu vidéo au sein d’une bibliothèque : questions juridiques, techniques, de prêt, de logistique, d’organisation, d’espaces, d’horaires, de matériel, etc… Cette partie a largement été construite grâce aux retours d’expériences d’autres bibliothèques et médiathèques, grâce à des blogs et au groupe Jeu vidéo et Bibliothèque de Facebook qui est une mine inestimable de ressources pour qui prend le temps d’aller jusqu’au bout des liens, des mémoires en ligne et des présentations sur Slideshare ou en pdf ! Mon idée était qu’il est plus facile d’imaginer ses propres solutions, celles qui conviennent le mieux à un contexte donné et à un public donné, à partir d’exemples issus d’autres lieux et des bonnes pratiques expérimentées par d’autres.

Ensuite, j’ai indiqué de nombreuses ressources accessibles en ligne, comme des catalogues et des collections de jeux mis en ligne par d’autres structures, des ressources de contenu en ligne (jeux gratuits, jeux rétro, etc..), ainsi que toutes les ressources pour permettre aux futurs acquéreurs de jeux d’approfondir leur culture comme les sites spécialisés, les blogs (Merlanfrit, Playtime, JVBib…) mais aussi des ressources papier (magazines et livres). Enfin, j’ai présenté de nombreuses sélections thématiques, car je pense que la démarche d’Oscar Barda à la Gaité Lyrique est très intéressante : lier la programmation de jeu vidéo (de près ou de loin) à la programmation culturelle du lieu, afin de créer du lien entre les différents services, mais aussi d’aborder la question du jeu sous un angle thématique ou avec des points d’entrée moins attendus que le genre (Stratégie, FPS, etc…) C’est aussi une approche que je poursuis depuis de nombreuses années avec mes expositions de game art, de jeu retro ou inde ou de machinimas, puisque mon but a toujours été de montrer les pratiques alternatives et artistiques autour du jeu vidéo et de créer des rencontres entre différents types de publics et de contenus. Nous avons donc abordé des sélections thématiques de jeu autour de sujets tels que le paysage, le portrait, le son, la géométrie, le voyage, la psychose ou encore le reflet de la réalité. Cela permet de faire du lien entre les services, mais aussi pour ceux qui font ces sélections thématiques d’aborder le jeu par des biais qui leur sont peut-être plus familiers.

Puis, nous avons parlé de la question de la médiation et des différentes animations possibles autour du jeu. Là encore, de nombreux exemples, retours d’expériences et bonnes pratiques afin de montrer l’étendue des possibilités offertes par le jeu (animations créatives, ludiques, d’apprentissage, de détente, de défoulement) mais aussi pour que chacun puisse imaginer comment s’approprier ces questions au plus proche de ses compétences et en fonction des différents types de public (pas uniquement les jeunes ou les adolescents, mais aussi pour les adultes et les séniors).

La suite commence très bientôt avec plusieurs réunions en interne, puis ouvertes au public afin de définir ensemble l’événement à venir dans le cadre du Nîmes Open Game Art (NOGA) en décembre 2014 et des animations qui y sont liées. Il y aura sûrement des jeux indépendants ainsi qu’une sélection de jeux retro, mais aussi des jeux sonores… pour le reste c’est à nous tous d’en décider !